Ces hommes et ces femmes qui abandonnent le smartphone pour leur vieux téléphone portable. back to basics low-tech
Soit par nostalgie, soit par anticonformisme, certains Français opèrent un back to basics en disant adieu à leur téléphone dernier cri pour retourner à un mobile première génération. Nouveau snobisme ou tendance de fond ?
L'histoire du smartphone débute en 1992 avec l'IBM SIMON mais c'est réellement en 2007, avec la sortie par Apple du premier iPhone que débutera la succes storie. Huit petites années plus tard, la firme de Cupertino annonce avoir vendu plus de 500 millions d'unités de son téléphone star. Dans le même temps, son principal rival, Samsung, a inondé le marché international de ses mobiles coréens jusqu'à surpasser la marque à la pomme en volume de ventes.
Les résultats des sondages ne se font pas attendre. En 2014, 44,4 % de la population française de 11 ans et plus possédait un smartphone, soit 24,1 millions de personnes, d'après le baromètre trimestriel de la Mobile Marketing Association France.
Perdus au milieu de cette foule de surconnectés, quelques individus - parmi lesquels des influenceurs: de la rédactrice en chef de Vogue US Anna Wintour vue avec un téléphone à clapet, à la chanteuse Rihanna en passant par le maire de New York Bill de Blasio ou encore Iggy Pop - insufflent une nouvelle tendance: le retour au téléphone dans son plus simple appareil. Lassés de la course à la technologie, volonté d'aller à contre-courant ou simplement nostalgiques des modèles emblématiques des débuts de la téléphonie mobile, ils remettent en service ce Nokia dont la fossilisation a débuté au fond d'un tiroir poussiéreux. La grande autonomie (jusqu'à 200 heures d'utilisation pour certains modèles basiques) est aussi un facteur de séduction non négligeable quand on angoisse à l'idée de voir la jauge de batterie de son smartphone plonger dans le rouge. Inutile de parler de la solidité de ces vestiges qu'une petite chute n'a jamais effrayé.
Lutter contre la standardisation
Du côté du bureau de style NellyRodi, Vincent Grégoire constate un «ras-le-bol de la pasteurisation des codes, du manque de créativité esthétique et stylistique». «Les smartphones sont gris fumé, gris sidéral», continue le gourou de la tendance. «Les gens se souviennent des téléphones qui avaient du style. On faisait la différence entre un Motorola et un Nokia, on sentait que des designers avaient travaillé dessus. Les téléphones aujourd'hui n'ont plus de personnalité». Pour Vincent Grégoire, le retour de ces basiques démontre «une volonté, dans un monde qui va très vite, qui se matérialise, de revenir à des références fortes et rassurantes.»
Tendance low-tech
«Les gens sentent aussi qu'ils sont espionnés, surveillés. Ils veulent remettre les compteurs à zéro face à des technologies toujours plus envahissantes», analyse le «tendanceur».
Est née ainsi un mouvement baptisé low-tech. Il fédère ceux qui veulent faire un break avec les réseaux sociaux, la géolocalisation permanente, se prévenir de la masse de notifications d'applications superflues, de push mails. Il est question de mettre fin à la dépendance croissante qui lie les utilisateurs à leur téléphone.
Au regard des récents scandales de photos volées de célébrités, la question de la sécurisation des données est également de plus en plus remise en cause. À l'heure du Cloud, où toutes les informations - codes de carte bleue, mots de passe, adresse, parfois empreintes digitales - se trouvent dans ce nuage imaginaire, facilement pénétrable par un intrus initié, la peur est croissante.
Le retour du BlackBerry
Un besoin de sécurité nouveau qu'a compris BlackBerry et qui en fait d'ailleurs l'un des fers de lance de sa nouvelle ligne de téléphones. «Productivité et sécurité», commente David Derrida, directeur produits BlackBerry Europe. À la dérive ces dernières années, l'entreprise entend bien remonter la pente avec les modèles Passport et Classic.
La société avait tenté de s'imposer sur le marché du smartphone mais rien n'y avait fait. Blackberry a renoncé au tout tactile pour retrouver le fameux clavier azerty qui a fait sa renommée. David Derrida indique qu'il est encore trop tôt pour tirer des conclusions de cette nouvelle ligne directrice, mais les premiers résultats s'annoncent encourageants.
Le smartphone est-il allé trop loin dans sa sophistication?
Sa fin est-elle amorcée?
Sur le dernier semestre 2014, Apple a enregistré un profit record de 18 milliards avec une croissance des ventes d'iPhone de 57 %. Et dorénavant, ce sera plutôt au consommateur d'apprendre à débrancher, à s'imposer de temps en temps ce que Vincent Grégoire appelle une «détox électronique».
- Par Edouard Risselet
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